
Cette première session de la nouvelle législature 2022-2026 a commencé de manière turbulente. Tout d’abord avec une discorde au niveau de la Constitution des commissions et des présidences de celles-ci. La droite, soutenue par les partis du « centre », ont joué un jeu indigne de la politique de consensus et de respect des minorités. Eléments pourtant si précieux de la culture politique suisse. Ils privent la gauche du quorum nécessaire à une position de minorité dans la commission des finances, alors que, comptées ensemble, les forces du PS et des Verts n’ont pas diminué depuis les dernières élections. De plus, fait rare dans la vie politique, une présidente de commission sortante a été privée de sa réélection dans une commission clé pour le Parti socialiste! La majorité bourgeoise a forcé le groupe socialiste à prendre la présidence d’une autre commission, qui n’était pas revendiquée par le groupe.
Je souhaite relever ici deux interventions en particulier qui ont été traitées durant cette session. La première est la discussion au sujet d’un salaire minimum. Une motion du groupe socialiste, défendue à la tribune par Meret Schindler, a été largement rejetée par le Grand Conseil bernois (48 oui, 94 non, 1 abstention). Le plus étonnant était que la discussion semblait perdue d’avance, les élu-e-s bourgeois râlant contre le fait que l’objet était amené chaque législature. Pourtant : la France connaît le salaire minimum depuis plus de 50 ans. L’Allemagne, les Etats-Unis, le Brésil, la Turquie, L’Ecosse et la Grande-Bretagne ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Cinq cantons (Neuchâtel, Jura Genève, Tessin, Bâle-Ville) l’ont introduit et en vivent les bénéfices. Je suis restée sidérée devant le fait que l’idée d’un salaire minimum cantonal était perçue comme une douce utopie pour une majorité du parlement, alors que c’est une mesure bien réelle et efficace dans tellement d’endroits. Le système actuel fait encore et toujours travailler des gens à 100% sans qu’ils·elles ne gagnent assez pour vivre. Il mène aussi à une concurrence déloyale pour les entreprises qui elles paient correctement leurs employé·e·s.
Une autre affaire importante, traitée le 14 juin (pile pour commémorer la grève féministe), était la motion rédigée par Mohammed Hamdaoui « La publicité sexiste n’a plus sa place dans l’espace public ! ».
C’est en tant que co-motionnaire que j’ai pu défendre cette cause importante à la place de mon ancien collègue très apprécié Momo. La motion, même sous sa forme moins contraignante de postulat et pourtant soutenue par le gouvernement, n’a pas trouvé de majorité au sein du Grand Conseil à une voix près ! Quelle baffe pour les femmes. Apparemment, défendre la dignité humaine dans l’espace public, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres cantons, certaines villes et dans d’autres pays, ne mérite pas qu’on s’y attarde.
Vous trouverez mes prises de positions sur ces deux sujets, exprimées à la tribune du Grand Conseil ci-dessous.
Pour finir sur une note un peu plus positive, je relève tout de même que le Grand Conseil a accepté une motion (Remund, Les Vert-e-s) demandant de présenter un plan d’action « Pacte vert pour le canton de Berne » et de présenter des mesures concrètes pour la protection du climat.
Enfin, durant cette session, j’ai eu le plaisir de siéger aux côtés de nouveaux élu-e-s, dont les camarades socialistes francophones Marina Zuber (PSA) et Karim Saïd (PSR). Je regrette fortement le recul des sièges socialistes dans l’ensemble du canton et particulièrement l’absence de mon ancien collègue Peter Gasser. Ce qui est positif tout de même, est que les socialistes francophones dans leur ensemble (ES, PSA, PSJB, PSR) n’ont pas diminué. Le dynamisme du groupe me motive pour la suite!
Motion « Protection des personnes salariées grâce au salaire minimum », prise de parole à titre individuel
« Un salaire minimum corrige des erreurs. Des erreurs qui existent dans le système actuel.
Dans certains secteurs, il existe une sous-enchère salariale. Celle-ci conduit à des salaires très bas et forcent des salariés et des familles à vivre en dessous du seuil de pauvreté. Les régions frontalières, comme le Jura bernois, sont particulièrement touchées.
Tout travail mérite salaire et un salaire doit permettre de vivre.
Et le dumping salarial ne nuit pas seulement aux employés mais aussi aux PME et entreprises qui paient correctement leurs employés. A cause d’une concurrence déloyale.
Le Conseil exécutif cite lui-même les chiffres dans la réponse. Il dit qu’il ne s’agit que de 3% des travailleurs hommes et 8% des travailleuses qui sont rémunérés moins de 23.- de l’heure. Mais c’est énorme et inacceptable! Au niveau Suisse on parle de 160 000 personnes environ. Rapporté à la population du canton de Berne, il y a donc plus de 20’000 personnes qui travaillent, durement, honnêtement, mais qui ne reçoivent pas un salaire leur permettant de vivre dignement.
Le salaire n’est pas qu’une question d’offre et de demande : c’est une question de droit et de survie, un salaire trop bas est de l’exploitation. Le système actuel n’a pas fait ses preuves : le nombre de « working poors » augmente continuellement. Le salaire minimum, lu,i a fait ses preuves dans les endroits où il a été introduit. Cinq cantons l’ont déjà accepté : Neuchâtel, le Jura, Genève, le Tessin et Bâle-Ville.
Les conséquences dans ces cantons : moins de chômage, moins de dépenses pour l’aide sociale et le salaire minimum a contribué à tirer les salaires vers le haut.
Soyons du côté des personnes qui travaillent et non de ceux qui exploitent, permettons à ces 20’000 personnes dans le canton de Berne qui travaillent durement de vivre dignement et aidons les PME honorables des régions frontalières. »
Motion « La publicité sexiste n’a plus sa place dans l’espace public ! », prise de parole en tant que porte-parole (co-motionnaire).
« Je remercie notre cher ancien collègue Mohamed Hamdaoui pour cette motion que je défends ici fièrement en tant que co-motionnaire.
Cette motion concerne la lutte pour l’égalité homme-femme. C’est une mesure, parmi d’autres, en faveur de l’égalité. Une publicité qui porte atteinte à la dignité de la femme (car c’est très souvent elle qui est victime de stéréotypes sexuels) n’est pas admissible et ne peut faire partie de l’espace public. L’homme est également inclus dans cette protection. Il y a un désert juridique à ce sujet en Suisse auquel ont fait face plusieurs cantons : Vaud, Neuchâtel, Bâle-Ville. Le recours auprès de la Commission suisse pour la loyauté est un instrument, mais qui reste très limité : si la commission peut se prononcer et dénoncer le contenu de messages publicitaires, elle ne peut sanctionner les coupables.
Le principal problème est la sexualisation à outrance du corps féminin et l’objectivation des femmes.
Les images ont une influence sur la perception, sur le comportement, sur les valeurs qu’on inculque à la population, aux enfants. Les effets sont dramatiques : discriminations, banalisation de la culture du viol, troubles de l’alimentation et de la consommation, mésestime de soi etc.
L’autorégulation publicitaire ne fonctionne pas. Il faut une instance de régulation dotée de pouvoir de sanction. Je remercie le Conseil exécutif pour sa réponse qui ne nie pas le problème et qui dit que la question doit être examinée là où il a des compétences. Le signal clair est donné si la motion est acceptée et qu’effectivement, à l’instar des autres cantons, il édicte une réglementation. Etudiez les modalités, regardez ce qui se fait dans les autres cantons, mais agissez pour donner ce signal clair ! Faisons ce pas sur le chemin de l’égalité.
Chères et chers collègues, les images dégradantes n’ont pas leur place sur l’espace public. Je vous remercie pour votre soutien à cette motion. »